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Comptant parmi les derniers peuples aborigènes du Grand Nord, les Samis sont établis en Norvège, en Suède, en Finlande et dans le nord-ouest de la Russie. Ce groupe vit pour la majorité sur le cercle polaire arctique. Il compterait autour de 100 000 personnes réparties entre la Finlande, la Norvège, la Suède et la Russie. Uni par la langue finno-ougrienne et doté d’une culture propre, ce peuple fort d’une histoire de 10 000 ans est engagé depuis les années 1970 dans un fort processus de (ré)acquisition de sa conscience identitaire et de recherche de légitimité.
Dans le contexte finlandais, les Samis ont été progressivement privés de leur droit exclusif de l’usage de leur terre tout au long du processus de colonisation à partir du XVIIIᵉ siècle et ce, jusqu’à nos jours.
La Finlande abrite approximativement 10 000 Samis, divisés en trois groupes : les Samis du Nord, les Samis d’Inari et les Samis de Skolt.
Les touristes du monde entier viennent visiter la région de Laponie finlandaise pour y admirer les attractions géoclimatiques locales, les aurores boréales ou le soleil de minuit, ou incités par le goût de l’aventure. Un afflux qui n’est pas sans conséquence sur la culture sami.
Père Noël, Husky et aurores boréales
En Laponie finlandaise, le tourisme tourne principalement autour des conditions atmosphériques dites « extrêmes ». Longues journées ensoleillées en été, longues nuits en hiver, aurores boréales, froid… Les activités de divertissement sportif y sont nombreuses, de la randonnée au ski en passant par la pêche et la chasse. Sans parler des attractions animalières, comme les rennes ou les fermes de husky, et du célèbre village du père Noël, à Rovaniemi.
Dans ce riche panorama, l’intérêt culturel qui entoure les Samis est devenu secondaire, un secteur de soutien plus que l’attraction principale. À la fin de la guerre froide, la reconstruction des routes de Laponie, détruites par l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, a ouvert la voie au tourisme dans la région.
Certes, les symboles de ce peuple demeurent visibles. Il est très courant de croiser dans la région des tentes samis ou des boutiques d’artisanat. Mais les objets, qui sont souvent produits ailleurs, sont vendus aux touristes par des non-Samis, qui les présentent comme des objets authentiques.
Une folklorisation de la culture sami
De la même manière, des attractions culturelles existent dans la région : le musée Siida à Inari, la maison patrimoniale sami de Skolt à Sevettijärvi ou le festival Ijahis idja de musique sami, qui est organisé à Inari depuis 2004.
Les Samis de Finlande, de Scandinavie et de Russie y participent mais cette organisation attire également les touristes nationaux et internationaux. Cette quête d’authenticité culturelle factice a atteint une telle dimension commerciale que le bâtiment du Parlement sami à Inari, ce lieu sensible acquis au terme d’un processus très difficile, est aujourd’hui loué pour des congrès, des conférences, des réunions et des événements commerciaux.
Le développement du tourisme dans la région a donc un double effet. Il fait revivre des traditions culturelles en phase de disparition pour cause de modernisation et d’assimilation. Parfois, dans une démarche de l’invention de tradition, mais il folklorise et uniformise aussi les objets et comportements culturels, surtout au bénéfice des non-Samis de la région.
Le tourisme, une arme à double tranchant
Les touristes veulent voir des couleurs, des figures et des tentes samis lorsqu’ils viennent en Laponie. Les Samis entrent par conséquent dans leur jeu, en utilisant leurs symboles traditionnels pour accroître l’attrait de leur région, comme c’est le cas à Rovaniemi, Sydokkola, Ivalo, Inari et Sevettijärvi.
Bien entendu, cette instrumentalisation des symboles n’est pas le fruit d’une quelconque naïveté, elle répond à la loi du marché. Cela permet néanmoins aux Samis de faire perdurer certaines traditions et objets qu’ils ne fabriqueraient plus autrement.
En revanche, si les Samis vendent leurs produits culturels, ils n’approuvent pas que d’autres utilisent leurs ressources culturelles (tels que les costumes, les chapeaux ou les yoiks). Cette recherche de légitimité et d’exclusivité se traduit par une tension interne à la région, où les Samis n’ont toujours pas de droits exclusifs territoriaux.
Jean Malaurie, qui a parcouru toute sa vie le Groënland, a souvent exprimé ce paradoxe. D’un côté, il regrettait la contamination de la culture inuit par le contact avec les Qallunaat (hommes blancs) ; de l’autre, il reconnaissait que ce rapprochement facilitait les conditions de vie difficiles des Inuits. Cette tension se pose encore aujourd’hui. Qu’attendent les Samis du tourisme ? Des retombées financières ? Ou peut-être une reconnaissance, voire du respect ?
Revendications foncières
Quoi qu’il en soit, la culture sami n’est pas le principal motif de tourisme en Laponie finlandaise. Par conséquent, les avantages ou les dommages du tourisme sur la culture sami doivent être considérés comme collatéraux. Que se passerait-il si un jour Père Noel mourait ? En d’autres termes, quels pourraient être les effets de l’absence ou de la baisse drastique du tourisme dans la région, sur la culture sami ?
Changement climatique, industrialisation incontrôlée, construction du chemin de fer pourraient changer à l’avenir les valeurs de l’attraction de la Laponie.
Dans tous les cas, les droits fonciers revendiqués – dont ils ont progressivement été privés depuis plus de deux siècles – par les Samis finlandais semblent indispensables pour assurer une vie culturelle riche et pérenne, où les comportements et les objets sont non seulement authentiques, mais aussi des exemples pour d’autres cultures sur la façon de traiter avec la nature, dans un contexte où ces expériences deviennent vitales.
Rappelons que contrairement à la Norvège, la Finlande n’a toujours pas ratifié la Convention no 169 d’ILO sur les droits des peuples autochtones.
Le tourisme dont profitent les Samis étant une ressource conjoncturelle et secondaire, ces derniers revendiquent davantage des droits fonciers pour garantir la perpétuation de la culture indigène spécifique.
Eda Ayaydin a reçu des financements de l'Institut des hautes études de défenses nationale et de la Région Ile de France.
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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
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